Race à part ou simple variété du Berger Allemand ?
Le statut de l’Altdeutscher Schäferhund fait régulièrement l’objet de discussions animées parmi les amateurs de chiens. Pour certains, il représenterait l’ancêtre direct du Berger Allemand, un vestige des chiens de troupeaux d’Allemagne du XIXᵉ siècle. Pour d’autres, il ne serait rien de plus qu’un Berger Allemand à poil long, et pour les plus radicaux, l’Altdeutscher Schäferhund n’est même pas un Berger Allemand ! Cette opposition de points de vue traduit toute la complexité d’une histoire où se croisent traditions paysannes, choix d’élevage et décisions de clubs cynophiles.
Aux origines du Berger Allemand
Il faut remonter à l’histoire de la race, dont les ancêtres vivaient déjà en Allemagne dès le VIIᵉ siècle. Ces chiens robustes et fiables, qu’ils soient à poil court ou à poil long, étaient avant tout utilisés pour garder les troupeaux de moutons. Grâce à leur vigilance et leur assurance naturelle, ils se firent rapidement une réputation comme chiens de garde et de protection.
La polyvalence de ces bergers et leurs excellentes aptitudes comme chiens de travail séduisirent le capitaine de cavalerie prussien Max von Stephanitz. En 1871, il entreprit une sélection méthodique de ces chiens d’utilité. Son objectif principal était de créer un chien de travail, doté de courage, de loyauté, d’obéissance, d’endurance et de robustesse.
Lorsque le Club du Berger Allemand (SV) fut fondé en 1899, il fixait le standard de la race et acceptait encore toutes les couleurs et variétés de poil : poil dur, poil ras, poil mi-long ou poil long. Mais au fil du temps, le SV restreignit de plus en plus les types autorisés dans l’élevage du Berger Allemand.
L’exclusion du poil long et la naissance de l’Altdeutscher Schäferhund
Après avoir écarté les bergers blancs et ceux à poil dur, le Berger Allemand à poil long fut interdit d’élevage au début du XXᵉ siècle (1921 selon certaines sources, 1930 selon d’autres). Von Stephanitz considérait que le long pelage nuisait à la résistance aux intempéries et aux qualités de travail du chien, préférant le type « lupoïde » à poil court et dense.
Même si des chiots à poil long continuaient à apparaître dans de nombreuses lignées, ils n’étaient pas admis à la reproduction par le SV. Cette décision, classant le poil long comme un « défaut éliminatoire », provoqua de vives critiques. Certains passionnés et éleveurs décidèrent alors de continuer à les élever en marge du standard officiel, préservant de manière informelle ce type rustique. Pour les différencier du Berger Allemand reconnu par le SV, ils les baptisèrent Altdeutscher Schäferhund (« ancien berger allemand »).
En parallèle du SV, une véritable sélection se développa autour de ces chiens, avec un standard spécifique. Sous cette appellation furent aussi regroupés certains chiens de berger régionaux, comme le Harzer Fuchs ou le Gelbbacke. Cependant, ni le SV ni la FCI (Fédération Cynologique Internationale) ne reconnurent ce standard.
Un travail de sélection fut mené pour renforcer la constitution et la santé de l’Altdeutscher Schäferhund, notamment grâce à l’apport de lignées est-allemandes (DDR). Développées à partir de 1949 en République Démocratique Allemande, elles étaient réputées pour leur dos droit et leur grande robustesse.
Le retour du poil long en 2010
En 2010, un tournant important eut lieu : le Berger Allemand à poil long fut officiellement réintégré au standard de la race par le SV, avec l’aval de la FCI. Depuis, il est reconnu comme une variété à part entière du Berger Allemand.
Cependant, pour les éleveurs d’Altdeutscher Schäferhund, la séparation était déjà consommée. À leurs yeux, l’A.S. n’est pas un simple Berger Allemand à poil long, mais une lignée distincte qui a suivi sa propre évolution, à l’image du Berger Blanc Suisse. Là où le Berger Allemand à poil long peut avoir des ascendants à poil court, l’Altdeutscher Schäferhund se distingue par une transmission continue du poil long à travers plusieurs générations.
Apparence et caractère
Visuellement, l’Altdeutscher Schäferhund ressemble fortement au Berger Allemand classique. Il partage avec lui les grandes oreilles droites, le museau allongé, le regard attentif et le port de queue tombant et touffu. Les couleurs sont également identiques : noir et feu, noir uni ou gris loup. La taille au garrot se situe entre 60 et 65 cm pour les mâles et 55 à 60 cm pour les femelles.
La différence notable est la longueur du poil, plus abondant et souple, notamment sur les pattes, les oreilles, la queue et le cou, où il forme une sorte de crinière. Avec son épais sous-poil, le chien semble souvent plus massif, même si le poids reste comparable : 28 à 32 kg pour les femelles et 33 à 40 kg pour les mâles.
Fidèle, stable et vigilant, l’Altdeutscher Schäferhund a un tempérament très proche de celui du Berger Allemand. Sa fiabilité, son instinct sûr et sa grande endurance en font un excellent chien de garde, de protection et de travail. Mais il est aussi reconnu pour son caractère équilibré et amical, ce qui en fait un compagnon de famille apprécié. Il s’entend particulièrement bien avec les enfants, dont il devient à la fois le protecteur et le partenaire de jeu.
On dit toutefois que l’Altdeutscher est généralement un peu plus calme et posé que le Berger Allemand classique, avec un seuil de tolérance plus élevé.
Comme tous les bergers, il possède cependant un instinct de travail marqué. Pour que son caractère équilibré puisse pleinement s’exprimer, il a besoin d’une socialisation précoce, d’une éducation cohérente, ainsi que de beaucoup d’exercice et de stimulation. Ce n’est pas un chien pour propriétaires passifs : il convient aux personnes actives, prêtes à partager avec lui randonnées et activités sportives variées.
Diffusion et reconnaissance
Au début des années 2000, l’Altdeutscher Schäferhund, souvent désigné comme “Berger Allemand ancien type”, a commencé à se faire connaître au-delà des frontières allemandes, notamment aux Pays-Bas, en Belgique, en Suisse et en France. C’est en 2006 qu’apparaît en France le premier club dédié, rassemblant à la fois les amateurs de cette variété et ceux du Berger Allemand à poil long. Plusieurs associations se succéderont ensuite, jusqu’à la fondation en 2013 de l’Union Cynophile Française Altdeutsche Schäferhunde (UCFAS). À ce jour, l’Altdeutscher Schäferhund n’est pas reconnu comme une race par la FCI, et ne peut donc pas obtenir de pedigree LOF.
L’Altdeutscher Schäferhund reste au cœur d’un débat passionné : lignée indépendante ou simple variété du Berger Allemand, il continue de séduire par son allure rustique, sa robustesse et son tempérament fiable.
Sources :