Histoire d’un homme visionnaire qui donna naissance à l’un des chiens les plus admirés au monde.

Max von Stephanitz naquit en 1864 à Dresde, qui faisait alors partie du Royaume de Saxe. En 1871, la Saxe et Dresde furent intégrées à l’Empire. Ses parents – Friedrich Wilhelm von Stephanitz et sa seconde épouse, Maria Münch (ou Mänch) – étaient décrits comme aisés, et Friedrich Wilhelm comme une personne vivant de ses rentes.
Le jeune Max fréquenta le lycée Vitzthum de Dresde, où il apprit notamment à parler couramment le français. Max souhaitait étudier l’agriculture, mais sa mère décida qu’il ferait carrière dans l’armée, comme de nombreux membres de la noblesse allemande de l’époque.

Durant son service militaire, Max étudia à l’École vétérinaire de Berlin, où il acquit des connaissances précieuses en biologie, en anatomie et en cinétique. Il mit plus tard à profit ces connaissances dans l’élevage et l’évaluation des chiens.

Quelques années plus tard, en 1898, von Stephanitz fut promu au rang de Rittmeister (capitaine de cavalerie), puis prit sa retraite. Selon la version officielle, il aurait été contraint de quitter l’armée à cause de son mariage avec l’actrice Maria Wagner, jugée indigne de son statut social. Toutefois, d’autres sources évoquent des problèmes de santé. Il est également possible que, dans la trentaine avancée, il ait simplement saisi l’occasion de partir sans regret, sa promotion n’étant qu’une formalité pour sortir honorablement du service actif.

Selon Herta, la fille de von Stephanitz, c’est au cours de son service militaire que son père fit une rencontre décisive avec les chiens de berger. Alors qu’il servait dans l’armée comme adjudant au régiment de cuirassiers Graf Gessler, une unité de cavalerie prussienne, von Stephanitz était cantonné le long du Rhin. Depuis une colline, il avait vue sur les berges du fleuve, où il observa un berger avec son troupeau et son chien.
Il observa longuement le chien qui guidait les moutons pendant que le berger faisait la sieste. Impressionné, il décida sur-le-champ qu’il voulait acquérir un tel chien. Dès cet instant, il sut à quoi devait ressembler son chien de berger idéal, et ce qu’il devait être capable d’accomplir : faire toutes les tâches liées à la gestion d’un troupeau.

Après sa retraite, il acheta un domaine près de la ville de Graf­rath, en Bavière, à 25 kilomètres à l’ouest de Munich, dans le sud de l’Allemagne. C’est là qu’il entreprit activement de structurer et de promouvoir la race du Berger Allemand, choisissant Grafrath comme affixe de son élevage. Le premier chien mentionné comme lui appartenant fut une femelle nommée Freya von Grafrath, achetée en 1897. On ne connaît ni l’éleveur d’origine, ni les lignées ou ancêtres de Freya, et il n’existe aucun enregistrement de descendants connus.

Le véritable tournant eut lieu lors d’une exposition canine toutes races à Karlsruhe, en avril 1899. Von Stephanitz et son ami Arthur Meyer assistèrent à une exposition canine à Francfort. En observant le ring réservé aux chiens de berger, von Stephanitz repéra un chien qui correspondait parfaitement à son idéal. Sans hésiter, il l’acheta. Ce chien, né le 1er janvier 1895, s’appelait Hektor Linksrhein, issu de lignées de Thuringe et de Francfort, élevé par Z. Sparwasser. Avant cela, Hektor avait déjà changé plusieurs fois de propriétaire. L’un de ses anciens élevages s’appelait "von der Krone". Comme c’était l’usage à l’époque, Hektor reçut un nouveau nom : il devint Horand von Grafrath. Cet achat allait marquer l’histoire : Horand devint le chien fondateur de la race du Berger Allemand moderne, premier inscrit au club de race que von Stephanitz allait créer.

Peu d’informations circulent sur la vie personnelle de von Stephanitz, si ce n’est qu’il eut deux enfants : un fils, Otto, et une fille, Herta. Cette dernière poursuivit l’œuvre de son père en écrivant elle aussi un ouvrage sur le Berger Allemand. Dans une interview accordée à l’auteure américaine Winifred Gibson Strickland, Herta expliqua les raisons du retrait de son père du club en 1935. Tout au long de sa vie, von Stephanitz avait défendu avec ardeur l’idée que le Berger Allemand devait rester un chien de travail. Mais dans les années 1930, l’arrivée au sein du club de membres affiliés au parti nazi changea la donne. Ceux-ci voulaient mettre l’accent sur la beauté et l’apparence, reléguant les aptitudes utilitaires au second plan. Des tensions naquirent, des menaces aussi. Après 36 ans de dévouement, von Stephanitz préféra se retirer.

Max von Stephanitz s’éteignit le 22 avril 1936, à l’âge de 71 ans, quelques jours seulement après la mort de sa fidèle chienne Egga. Il laissa derrière lui un héritage immense : une race à la renommée mondiale et une vision toujours d’actualité — celle d’un chien avant tout fonctionnel, loyal et intelligent.

 Max von Stephanitz et Horand von Grafrath, le berger allemand N°1.

 

Les citations de Max von Stephanitz : visionnaire du Berger Allemand

Voici une sélection de citations de Max von Stephanitz, elles sont extraites de son ouvrage Le berger allemand en mots et en images. Toutes témoignent de l’amour et du respect de Stephanitz pour cette race exceptionnelle.


🐕 Nature et service du Berger Allemand

Pour Stephanitz, le Berger Allemand devait rester un chien de travail, équilibré, endurant et animé par la joie de servir.

« Le Berger Allemand est un chien de travail, né pour cela, et ce n’est qu’ainsi qu’il peut rester un véritable chien de berger. »

« Infatigable, toujours zélé dans son devoir, toujours attentif, toujours prêt à servir : tel est le caractère de notre chien de berger. »

« Comme l’homme, le chien peut exprimer les différents sentiments de l’âme non seulement par la voix, mais aussi par ses yeux, par les changements d’expression de sa tête, par la position de ses oreilles, et enfin par sa queue qui remplace le mouvement des bras et des mains, et qui sert de « baromètre » fiable de l’âme pour exprimer toutes les nuances de sentiment. »

« Peu d’entre nous peuvent le surpasser en fidélité et en disponibilité inconditionnelle au sacrifice. »

« Je ne me souviens pas d’un seul chien de berger qui n’ait pas aimé les enfants. »

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🐾 L’élevage du Berger Allemand

Stephanitz dénonçait la course aux récompenses en exposition et l’élevage à grande échelle motivés par l’argent, qui détournent de l’objectif initial.

« Lorsque l’élevage devient une affaire commerciale, le chien n’est plus qu’un produit et rien de plus, élevé et traité comme tel. Là encore, nous rencontrons un danger pour la race : le chien n’est plus élevé pour ses qualités de service, mais uniquement pour sa valeur marchande. »

« L’élevage à grande échelle et en chenil est la ruine de tout élevage sain de chiens de berger. »

« L’efficacité au travail doit compter davantage pour l’éleveur de chiens de berger que les honneurs du ring d’exposition. »

« Nous abominons la sur-reproduction, car elle rend le corps et l’âme impropres au travail. »

« C’est ce cheptel modeste de travailleurs qui possède le sang, la vie, le feu et l’âme du chien de berger. »

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🌱 L’éducation et l’élevage des jeunes

Le maître-mot : liberté et activité. Le jeune chien doit se dépenser à l’extérieur pour se développer correctement.

« L’enfermement d’un chien au chenil doit rester l’exception, la liberté doit être la règle. Le chien en croissance ne peut se développer correctement qu’en ayant de l’exercice à l’extérieur du chenil, quelle que soit la taille de son enclos intérieur ; il en va de même pour le chien adulte. »

« Le travail est une nécessité indispensable pour le chien de berger, le garder au chenil sera une malédiction pour lui, mentalement et physiquement. »

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🏆 Juger le Berger Allemand

Selon Stephanitz, le Berger Allemand ne devait jamais être évalué sur des critères purement esthétiques.

« Outre une bonne expression de chien de berger, il faut un tempérament vif, un corps long, solide, bien proportionné pour le service, ni mou ni lourd, dont la forme garantit une grande amplitude de mouvement et une démarche rapide, avec de l’endurance – tout cela faisant partie des toutes premières qualités. »

« Un excès de taille est une caractéristique inutilisable pour l’élevage, car il nuit à l’endurance, à la vitesse et à la vivacité des mouvements. Les géants ne sont jamais agiles… Ces chiens se fatiguent rapidement lorsqu’ils sont enthousiastes, mais sont généralement paresseux et placides, ce qui les rend déjà inaptes au service. »

« Nous avons déjà convenu que notre chien de berger est un chien de service, et qu’il ne doit être élevé qu’en tant que tel. Il doit donc être jugé uniquement comme un chien de service. Pour les chiens de service, l’aptitude prime sur la beauté. »

« Même le chien le mieux construit ne sert à rien s’il n’a pas l’élan de donner le meilleur de lui-même. »

« La couleur n’a aucune importance pour le service ; notre chien de berger n’est donc pas élevé pour la couleur. Celle-ci n’est qu’une lubie d’amateur, sujette aux caprices de la mode. »

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🎯 Dressage et éducation

Stephanitz voyait le dressage comme un équilibre entre discipline et liberté. L’objectif : un chien obéissant par choix et heureux de travailler.

« Un bon dressage ne vise pas à produire des esclaves craintifs et brisés, sans volonté propre, ni des machines dépendantes de stimuli externes. Il reste mesuré et, tout en corrigeant les défauts, il met ses préférences personnelles de côté pour atteindre un objectif supérieur : obtenir des chiens dont le service, issu de la joie de travailler, est une parfaite liberté. Ce dressage doit éveiller les capacités innées, les développer, corriger ce qui est superflu, renforcer ce qui est faible, et guider ce qui est erroné vers la bonne voie. »

« Aucun dressage ne peut se faire sans contrainte, mais l’art du bon dresseur consiste à rendre cette contrainte imperceptible, et à faire paraître le résultat comme un service volontaire. La contrainte n’est pas la punition ; et lorsqu’elle doit être utilisée, pour rendre le chien fiable ou l’aider, le dresseur doit lui faire comprendre la différence par le ton de sa voix et son expression. »

« Pour obtenir de bons résultats, le dresseur doit avoir un tempérament équilibré, être ferme et clair dans ses ordres, comprendre et aimer l’animal et sa nature. »

« Le chien peut lire dans le regard du dresseur tout ce qu’il a besoin de savoir sur l’état d’esprit de celui-ci : il sait s’il plaisante, est sérieux ou mécontent. »

« Le chien ne croit qu’en son maître, qui doit donc aborder son travail avec les bons sentiments, et savoir les éveiller et les entretenir chez celui qui est maintenant son élève, mais qui deviendra plus tard son partenaire. »

« On ne peut pas peigner tous les chiens avec le même peigne, autrement dit, à chaque chien sa méthode. »

« La confiance est indispensable, l’obéissance est sa meilleure expression. »

« Rien ne fatigue et ne paralyse autant les facultés mentales qu’une répétition constante du même exercice. »

« Le dresseur doit apprendre à se maîtriser avant de pouvoir maîtriser le chien. »

« Celui qui trouve comment dire les choses à son chien a gagné la partie. »

« Chaque leçon doit se terminer par une caresse, afin de conserver au chien la joie de travailler. » 

« Veillons tous à ce qu'aucun chien de berger allemand ne soit dressé ou ne vive d'une manière inconvenante ou contraire à sa nature. Tout au contraire, aidons-le à obtenir la possibilité de travailler et de recevoir une éducation. Que les maîtres ne rabaissent pas leur chien à n'être plus qu'un matériel de sport, mais qu'ils le fassent accéder au rang de membre de leur famille. »

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