Chaque 11 novembre, la France rend hommage aux soldats tombés pour la patrie.
Trop souvent, on oublie d’évoquer ceux qui, sans uniforme ni drapeau, ont eux aussi souffert et péri sur les champs de bataille : les animaux de guerre.
Le nombre exact d’animaux tués pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918) est difficile à établir, mais les dernières estimations donnent un aperçu de l’ampleur du drame.
Détail par espèce et par utilisation
1. Chevaux, ânes et mulets : ≈ 11 millions de mobilisés
Ce sont les animaux les plus emblématiques et les plus nombreux sur le front.
- Armée française : 1,4 million de chevaux mobilisés → ~1 million morts ou euthanasiés
- Empire britannique : 850 000 chevaux envoyés sur le front ouest → ~75 % morts (≈ 640 000)
- Armée allemande : ~1,3 million morts estimés
- Russie : 1,3 à 2 millions
- Autres (Autriche-Hongrie, USA, etc.) : 2-3 millions
- Rôle : Leur fonction principale était la logistique. Ils tiraient les canons, les ambulances, les chariots de ravitaillement et les fourgons. Les mulets étaient particulièrement appréciés pour leur robustesse dans les terrains difficiles. La cavalerie, bien que son rôle se soit réduit face aux mitrailleuses, a tout de même engagé des centaines de milliers de montures.
- Causes de la mort : Les obus, les tirs de mitrailleuses, les conditions climatiques épouvantables (boue, froid), l'épuisement, la famine et les maladies.
→ Total équidés : ~ 8 millions de morts

La percée à l'ouest de Saint-Quentin, Aisne, France. L'artillerie allemande tirée par des chevaux progresse à travers les positions britanniques capturées le 26 mars 1918.

En Belgique, après la bataille de Haelen, un cheval survivant est utilisé pour retirer les chevaux morts tués lors du conflit, en 1914.

Déchargement d'une mule à Alexandrie, en Égypte, en 1915. L'escalade du conflit a contraint la Grande-Bretagne et la France à importer des centaines de milliers de chevaux et de mules d'outre-mer. Les navires de transport, vulnérables, étaient fréquemment pris pour cible par la marine allemande, qui a ainsi coulé des milliers d'animaux.
2. Chiens : ≈ 100 000 mobilisés
Ils avaient des rôles multiples et essentiels.
- France : 18 000 chiens sanitaires et messagers → ~7 000 morts
- Allemagne : ~30 000 chiens (dont 6 000 rien que pour la bataille de Verdun)
- Grande-Bretagne, Belgique, Italie : ~20 000
- Rôles :
- Chiens sanitaires : Ils cherchaient les blessés sur le champ de bataille et portaient des kits de premiers soins.
- Chiens messagers : Plus discrets et rapides que les coureurs humains sur de courtes distances.
- Chiens de garde et de patrouille.
- Chiens "de trait" : Dans certaines armées, des chiens robustes tiraient des mitrailleuses sur des chariots.
- Causes de la mort : Actions de guerre, maladies et épuisement.
→ Total chiens : ~70 000 morts

Attaque au gaz sur le front ouest, près de Saint-Quentin, 1918 : un chien messager allemand lâché par son maître.

Les chiens de la Croix-Rouge allemande se dirigent vers l'avant.

Animaux de guerre transportant d'autres animaux de guerre — dans une école de communication par pigeons voyageurs à Namur, en Belgique, un chien de liaison équipé d'un panier à pigeons pour transporter des pigeons voyageurs jusqu'au front.
3. Pigeons voyageurs : ≈ 500 000 mobilisés
Ils étaient un moyen de communication vital, surtout lorsque les lignes téléphoniques étaient coupées.
- 500 000 pigeons mobilisés rien que par les Alliés
- Taux de perte moyen : 60-80 %
- Rôle : Transporter des messages urgents depuis les premières lignes ou des endroits isolés. Leur fiabilité a sauvé d'innombrables vies humaines. Le pigeon célèbre Cher Ami a ainsi reçu la Croix de Guerre française pour avoir délivré un message malgré de graves blessures, sauvant le "Bataillon perdu" de la 77e division américaine.
- Causes de la mort : Tirs ennemis, maladies, épuisement et conditions météorologiques. Les Allemands utilisaient également des faucons pour les intercepter.
→ Total pigeons : ~300 000 morts

« Ces pigeons voyageurs contribuent grandement à sauver la vie de nos soldats en France. Ils servent de messagers et de porteurs de renseignements efficaces, non seulement entre les divisions et des tranchées vers l'arrière, mais sont également utilisés par nos aviateurs pour transmettre les résultats de leurs observations. »

Pigeon messager lâché d'un char britannique - 1918
4. Autres animaux
- Animaux de ferme (bovins, ovins, porcins) : Des millions ont été réquisitionnés pour nourrir les armées. Ils étaient abattus dans des abattoirs de campagne. Leur mort est directement imputable à l'effort de guerre.
- Chameaux et Dromadaires : Utilisés notamment dans les campagnes du Moyen-Orient (par la Grande-Bretagne contre l'Empire ottoman) et en Afrique du Nord. Des dizaines de milliers sont morts.
- Animaux de tranchées : Les tranchées abritaient une multitude d'animaux "non-officiels" : en plus des mascottes, des milliers de chats furent envoyés dans les tranchées durant la Première Guerre mondiale afin de limiter la prolifération des rongeurs et de servir de détecteurs précoces de gaz moutarde. Des canaris étaient également gardés dans les tranchées et les passages souterrains comme détecteurs de gaz toxiques. Si un canari gisait mort au fond de la cage, les soldats savaient qu'ils n'avaient pas le droit de pénétrer dans la zone. Le nombre de morts parmi ces animaux est incalculable mais extrêmement élevé.

Brigade du corps impérial de chameaux, créée en décembre 1916 par l'Empire britannique.

Soldat français nourrissant un chat dans les tranchées - 1915
Ces chiffres vertigineux donnent une dimension supplémentaire à l'horreur de la Première Guerre mondiale. Ils rappellent que ce conflit fut non seulement une tragédie humaine, mais aussi une immense tragédie animale, où des millions de bêtes ont été sacrifiées, souvent dans l'oubli de l'Histoire, pour l'effort de guerre des nations.
Aujourd’hui, des monuments existent dans plusieurs pays pour honorer leur sacrifice. Ils nous rappellent que la guerre n’a pas seulement décimé les hommes.