Pour étudier la question il est essentiel de se replonger dans son histoire.
Le Berger Blanc Suisse, également appelé Berger Blanc Américain, est une race dont l’histoire est marquée par des périodes de rejet, de renaissance et de reconnaissance internationale. Bien qu’il partage des racines profondes avec le Berger Allemand, son cheminement en tant que race distincte témoigne de la détermination et de la passion des éleveurs du monde entier.
Les origines partagées avec le Berger Allemand
L'histoire du Berger Blanc Suisse trouve ses racines dans les débuts de la création du Berger Allemand. En 1899, Max E. von Stephanitz, considéré comme le père du Berger Allemand, a choisi Horand von Grafrath comme chien fondateur de son programme d'élevage. Bien que Horand soit de couleur gris et jaune, il portait le gène récessif qui masque la couleur, hérité de son grand-père Greif von Sparwasser, un Berger Allemand blanc. Ainsi, des chiots blancs pouvaient apparaître occasionnellement dans des portées de Bergers colorés. Stephanitz déclara en 1908 que la couleur ne devait pas influencer la sélection et que privilégier une teinte spécifique était absurde. Les premiers Bergers Allemands présentaient donc une grande variété de couleurs : noir uni, gris loup, gris jaune, blanc uni.
Berno von der Seewiese, né en 1913, est le premier berger allemand blanc inscrit au livre des origines.
Le déclin sous l’influence des Nazis
Max E. von Stephanitz consacra sa vie à faire de cette race un chien de travail exceptionnel. Cependant, son rêve fut brisé sous le régime nazi. Les Nazis, focalisés sur l’apparence plutôt que sur les aptitudes du chien, considéraient le pelage blanc comme une tare. Selon eux, un Berger Allemand digne de ce nom ne pouvait être que coloré. Stephanitz, soumis à la menace d’être envoyé dans un camp de concentration, fut contraint de coopérer. En 1933, le pelage blanc fut exclu du standard de la race. Sous cette influence, des méthodes cruelles furent employées pour éliminer les Bergers Blancs. Face à cette trahison de ses idéaux, Stephanitz démissionna de la présidence de son Club du Berger Allemand en 1935. Il s’éteignit l’année suivante.
Victime de préjugés dans l'Europe de l'après-guerre
En 1959, le couperet définitif tombe pour le Berger Allemand blanc en Europe. Le Verein für Deutsche Schäferhunde, le club de race du Berger Allemand, déclara que le Berger Blanc était albinos et interdit son utilisation dans les programmes d’élevage. Le standard fut modifié : les chiens ayant plus de 50 % de blanc ou considérés comme albinos furent disqualifiés. Cette ineptie poussèrent les éleveurs européens à éliminer leurs chiots blancs dès leur naissance. En très peu de temps, le Berger Allemand Blanc disparut quasiment complètement d’Europe.
L'émergence du Berger Blanc en Amérique et au Canada
Alors que le Berger Blanc était rejeté en Europe, il trouva un sanctuaire en Amérique du Nord ou il continuait d'être enregistré. Ann Tracy est devenu célèbre dans le monde entier parmi les admirateurs du Berger Blanc. Ann était éleveuse de Bergers Allemands et une admiratrice enthousiaste de la race. Les Bergers Blancs issus de son élevage étaient liés aux premiers Bergers Allemands, Horand V Grafrath et son frère de portée Luchs. En 1917, quatre chiots blancs sont nés dans son élevage de deux parents colorés, avec Luchs comme grand-parent. Le premier-né était Edmund, et ses frères et sœurs de portée étaient Eadrid, Eric et Elf. Edmund a également été le tout premier Berger Allemand Blanc à être enregistré en Amérique. Avec ses chiens, Ann a lancé la première lignée blanche en Amérique.
Ann Tracy
En 1923, Geraldine Rockefeller Dodge importa quelques Bergers Allemands issus des meilleures lignées allemandes. Mlle Rockefeller vivait dans une propriété de plus de 8 km2 dans le comté de Morris (New Jersey), avec des chenils pouvant accueillir plus de 150 chiens. Dans son élevage, "Giralda Farm", elle éleva des lignées de Bergers Allemands noirs, colorés et blancs. Ses chiens étaient réputés pour leur qualité exceptionnelle, et de nombreux chiens d’aujourd’hui trouvent leurs origines dans cet élevage.
Pour protéger le Berger Allemand Blanc, le premier Club Américain du Berger Blanc fut fondé en 1964. Un autre club suivit, nommé « White German Shepherd Club ». En 1976, le club changea son nom en « American Shepherd Club International », puis en 1977, il devint le « White German Shepherd Dog Club International » (WGSDCI). De son côté, le Canada fonda en 1970 un club dédié au Berger Blanc, le WSCC (« White Shepherd Club of Canada »). La lutte pour sauver le Berger Blanc avait commencé. En 1970, le Dr Peter Neufeld publia un livre intitulé "The Invincible White Shepherd", soulignant l'histoire unique et la valeur du Berger Blanc. Ces efforts contribuèrent à la préservation de la race en Amérique du Nord, malgré les préjugés persistants.
Le renouveau en Europe
En Europe, la renaissance du Berger Blanc fut plus tardive. Dans les années 1970 et 1980, les Bergers Allemands Blancs furent introduits en Europe. Mme Agathe Burch, originaire de Suisse, retourna dans son pays natal depuis les États-Unis en emmenant avec elle son Berger Blanc mâle, Lobo of White Burch. Peu après, il fut rejoint par White Lilac of Blinkbonny, une femelle venue d’Angleterre. Ensemble, ils furent élevés sous l’affixe Shangrila. Leur descendance commença à se répandre à travers l’Europe, et les lignées d’élevage Shangrila furent croisées avec les rares Bergers Blancs encore présents en Europe, ainsi qu’avec d’autres importations américaines et canadiennes. Cette portée fut la première à être officiellement inscrite dans le livre des origines. Par conséquent, le mâle américain "Lobo", né en 1966, peut être considéré comme le fondateur de cette race en Suisse et en Europe.
Lobo of White Burch
En France, c’est Daniel Jumentier qui jouera un rôle clé dans le renouveau du Berger Blanc en France. Après avoir importé en France un mâle nommé Corado Von Den Wessengard, il fonde en 1989 l'ACBB (Amicale du Chien de Berger Blanc) afin d’assurer le développement et la reconnaissance de la race sur le territoire français.
Corado Von Den Wessengard
En 2002, la Suisse parvient à obtenir la reconnaissance officielle de la race par la Fédération cynologique internationale. Ainsi, le Berger Blanc est officiellement renommé Berger Blanc Suisse et inscrit sous le numéro de standard 347. Au cours des trois dernières décennies, les Bergers Blancs se sont fortement implantés à travers l'Europe, où ils jouissent d'une popularité grandissante. Des clubs dédiés à la race existent dans de nombreux pays, et les efforts des éleveurs ont permis de préserver les qualités uniques de ces chiens tout en assurant leur santé et leur bien-être.
Les caractéristiques distinctives du Berger Blanc Suisse
Le Berger Blanc Suisse est un chien élégant, avec un pelage immaculé qui peut être court ou long. Sa silhouette harmonieuse, ses oreilles droites et son regard expressif reflètent à la fois la noblesse et la douceur de la race. Connu pour son intelligence et sa nature loyale, le Berger Blanc Suisse est un compagnon idéal pour les familles et un excellent chien de travail.
Bien qu'il partage de nombreuses qualités avec le Berger Allemand, il se distingue par son tempérament généralement plus calme et sa sensibilité accrue. Cette combinaison en fait un chien très adapté à une variété de rôles, allant de l’assistance aux personnes handicapées à la recherche et au sauvetage.
Le Berger Blanc Suisse est ainsi une évolution distincte du Berger Allemand, ayant progressivement développé ses propres caractéristiques pour devenir une race à part entière.