Un chien emblématique de l'Allemagne de l'Est, reconnu pour sa robustesse et son histoire unique.
Origines du Berger Allemand DDR
Pour comprendre l’émergence du Berger Allemand DDR, il faut revenir à la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences sur l’Allemagne.
En 1945, après la défaite de l'Allemagne nazie, les Alliés, comprenant les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’Union soviétique, occupèrent Berlin. Cette occupation marqua la fin de la guerre et le début de profondes transformations pour l’Allemagne, divisée en zones administrées par ces puissances.
Malgré leur coopération durant la guerre, les divergences politiques et idéologiques entre l’Union soviétique et les États-Unis provoquèrent des tensions. Ces différends aboutirent en 1949 à la partition de l’Allemagne en deux États : la République fédérale d’Allemagne (Allemagne de l’Ouest), de régime démocratique, et la République démocratique allemande (RDA, ou DDR en allemand), sous influence communiste soviétique.
La division de l’Allemagne et le contrôle strict exercé par le régime est-allemand ont joué un rôle clé dans le développement du Berger Allemand DDR, élevé pour répondre aux besoins spécifiques des forces de sécurité de l’Est.
Le Berger Allemand DDR et l'impact du Rideau de Fer
Le "Rideau de Fer" représentait la barrière idéologique et physique qui divisa l’Europe entre 1945 et 1991, isolant certains pays de tout contact extérieur. Pendant cette période, les décisions gouvernementales réglaient tous les aspects de la société, y compris les élevages canins.
Le Berger Allemand DDR, considéré comme un atout militaire, faisait l’objet d’un contrôle strict par l’État. L’enregistrement des pedigrees et les programmes d’élevage étaient soumis à des normes rigoureuses. Pendant près de 40 ans, seuls les chiens répondant à ces critères spécifiques étaient autorisés à se reproduire. Ces standards exigeaient des corps puissants et bien proportionnés, des dos longs et droits, une apparence imposante et une intelligence remarquable. En plus des caractéristiques physiques, les chiens devaient démontrer des aptitudes particulières telles que le pistage, la robustesse, l'agilité, l'endurance et la capacité à affronter des conditions extrêmes. Ces règles rigides ont donné naissance à une lignée spécifique : le Berger Allemand DDR, élevée exclusivement à l’intérieur des frontières du Mur de Berlin, sans influences extérieures et en conformité avec les exigences gouvernementales.
Police des frontières allemande en novembre 1956 - Une empreinte de pas a été découverte lors d'un contrôle de la bande de contrôle de 10 m.
Le chien pisteur déployé détecte la piste.
Le Berger Allemand DDR : critères et évolution
Les critères imposés par le gouvernement de la RDA pour l’élevage des Bergers Allemands étaient particulièrement exigeants. Ils incluaient des aptitudes essentielles telles que le pistage, l’endurance, la robustesse et la capacité à survivre dans des conditions extrêmes. Les chiens devaient être exempts de dysplasie de la hanche, à la différence de leurs homologues d’Allemagne de l’Ouest, où des tolérances pour des hanches "presque normales" étaient parfois acceptées. Chaque femelle était présentée avec sa portée pour une inspection rigoureuse portant sur des aspects tels que la dentition, la posture des oreilles, le tempérament, le pelage et l'apparence globale.
Ces chiens étaient sélectionnés pour leur ossature robuste, capable de supporter les longues distances exigées lors des patrouilles. Ils étaient également habitués aux conditions climatiques les plus rudes pour renforcer leur endurance, leur résistance aux maladies et leur aptitude à opérer dans des environnements hostiles.
Les tests physiques et comportementaux étaient particulièrement ardus : escalader un mur vertical, marcher sur des poutres étroites, rechercher dans un plus grand nombre de cachettes et effectuer des pistages prolongés. Ces épreuves dépassaient largement les standards appliqués en Allemagne de l’Ouest. Seuls les individus les plus performants pouvaient être retenus pour la reproduction.
Ces critères stricts, associés à des conditions de vie exigeantes, ont contribué à façonner l’apparence et le caractère uniques du Berger Allemand DDR. Ces chiens se distinguaient par leur tête massive, leurs épaules larges, leur poitrine profonde et leur pelage sombre, leur conférant une allure intimidante et imposante. L’objectif de la RDA était de développer un chien national répondant à des critères d’excellence.
Patrouille frontalière avec un Berger Allemand près d'Abbenrode.
Chiens de Patrouille des Frontières
En 1946, l’Union soviétique mit en place la Grenzschutz Polizei, renommée plus tard Grenztruppen, pour surveiller les 1 378 kilomètres de frontière séparant l'Allemagne de l'Est de l'Ouest.
Dans les années 1950, l'Allemagne de l'Ouest émergea rapidement comme une puissance industrielle, tandis que l'économie de l'Allemagne de l'Est stagnait. Ce déséquilibre entraîna un exode massif de travailleurs qualifiés.
Bien que la frontière principale entre les deux Allemagnes ait été hermétiquement fermée, Berlin, en raison de son statut spécial, restait un point de passage vers l’Ouest. Les citoyens de l’Allemagne de l’Est pouvaient encore rejoindre Berlin-Ouest pour ensuite émigrer vers l’Allemagne de l’Ouest. Entre 1949 et 1961, environ 2,2 millions d'Allemands de l'Est, sur une population de 17 millions, fuirent via Berlin. Face à cette fuite menaçant la stabilité du régime, le gouvernement communiste ordonna la construction du Mur de Berlin en 1961.
S’étendant sur environ 160 kilomètres autour de Berlin-Ouest, le Mur symbolisait la division de la Guerre froide. Il se composait de multiples obstacles : un mur principal à l'est, une clôture équipée d'alarmes, des couloirs pour chiens de patrouille et des tours de guet à intervalles réguliers, surveillées par des gardes prêts à tirer. Un mur final côté Berlin-Ouest servait de dernière délimitation.
Le Rôle des Bergers Allemands DDR
Chargée de sécuriser le Mur et la frontière, la Grenztruppen intensifia son programme d'élevage des Bergers Allemands DDR. Dès la première année, l’unité comptait plus de 3 000 membres.
Les chiens accompagnaient les soldats dans la surveillance des champs de mines et des clôtures. Des lieux comme Checkpoint Charlie et les tours de guet restent emblématiques de cette époque. Rien qu'à Berlin, on dénombrait 200 à 250 enclos ou couloirs pour chiens. Au total, près de 97 kilomètres de frontière étaient protégés par environ 1 000 chiens attachés à des câbles suspendus, leur permettant de couvrir des zones spécifiques.
En plus de leurs missions de garde, les Bergers Allemands DDR servaient aussi pour le pistage et l’attaque. Des unités spécialisées utilisaient ces chiens pour rechercher des déserteurs dans des forêts, champs ou bâtiments. Ces conditions exigeantes, associées à un entraînement intensif, ont fait du Berger Allemand DDR un élément essentiel du dispositif de surveillance.
La Fin du Mur de Berlin
En août 1989, la Hongrie ouvrit sa frontière avec l’Autriche, marquant le début d’événements qui mèneraient à la chute du Mur de Berlin. L’Allemagne engagea alors son processus de réunification. Le 13 juin 1990, l’armée est-allemande entreprit le démantèlement du Mur, et la libre circulation entre l’Est et l’Ouest était déjà en vigueur depuis plusieurs mois.
Les chiens de patrouille DDR, autrefois indispensables pour contenir les Allemands de l’Est à l’intérieur des frontières communistes, perdirent leur utilité. Beaucoup furent vendus, abandonnés ou euthanasiés. En 1990, les Grenztruppen furent dissoutes, et les chiens commencèrent à être exportés en masse depuis l’Allemagne de l’Est. Pour certains Allemands, ces chiens symbolisaient une période de répression, tandis que d’autres ne pouvaient subvenir à leurs besoins ou leur offrir un espace adapté, accélérant ainsi leur dispersion.
Malgré tout, quelques éleveurs passionnés ont préservé cette lignée unique issue des pratiques d’élevage est-allemandes. Ces efforts ont permis de sauvegarder les qualités exceptionnelles des Bergers DDR : un instinct de défense naturel, des compétences de pistage avancées, un tempérament équilibré et une robustesse physique.
Bien que les chiens de patrouille DDR appartiennent désormais au passé, ils laissent un héritage remarquable. Leur courage et leurs compétences continuent de vivre à travers leur descendance, témoins d’une époque révolue.
Bojar vom Schotterhof (né en 1975)
Birko von der Wolfshöhle (né en 1983)